Rien n’est plus triste qu’un monde où chacun SE crédite de ses mérites ! C’est encore plus triste lorsque les médias le font. Récemment ils ont déclaré Einstein génie universel, incomparable, divin presque. Pour ces médias et même l’opinion publique, c’eût été un blasphème de dire que ce génie, c’était à Dieu qu’il le devait. Non ! C’était Lui et rien que Lui tout seul. Déclarer, dans une société laïque ou athée qu’il y a autre chose que le MOI dans les œuvres humaines est sacrilège. Dieu a disparu ; à sa place, on trouve maintenant l’Ego. Que faut-il comprendre par Ego ? On ne sait pas trop, mais certains, eux, savent. Ils cherchent E=MC2 dans les neurones du pauvre Einstein. A ce jour, ils n’ont rien trouvé.
Ne savons-nous pas qu’à chaque fois que nous parvenons à faire quelque chose de méritoire, ce n’est pas seulement à nous-mêmes que nous le devons ? Il y a autre chose que notre petit moi. L’inspiration pour un artiste, l’acharnement pour un sportif ! Bref un souffle venu d’ailleurs. Lara Gut, notre belle championne suisse de ski, dirait-elle que c’est seulement par elle-même qu’elle a obtenu tant de victoires ? J’en doute.
Mais supposons qu’elle le dise. Qu’est-ce qui, en elle, l’aurait conduite à la victoire ? Ses muscles ? Absurde, même s’ils ont joué un rôle très important. Son intelligence ? Bien sûr, mais pas seulement. Sa volonté ? Plus que l’intelligence mais, encore une fois, pas seulement. Bref, on ne sait pas trop à quoi, en elle, attribuer ses médailles. A la somme de tout ce que je viens de mentionner ? Mais qu’est-ce que la somme des muscles, de l’intelligence et de la volonté ? Bien malin celui qui pourrait répondre.
A chaque fois que nous nous trouvons devant un être qui se distingue par un exploit, une saillie, une œuvre, nous ne parvenons pas à distinguer ce qui en lui, a provoqué sa performance. Sauf bien sûr si l’on cherche E=MC2 dans un ou plusieurs neurones. Mais sur ce chemin, on n’a encore rien vu du tout.
Avec le Christ, nous n’avons pas affaire à la théorie de la relativité restreinte ou générale, à une médaille olympique en slalom ou en descente. Mais il faudrait être de bien mauvaise foi pour nier qu’il a dit des « choses » qui ont impressionné l’humanité autant qu’une théorie scientifique ou une décoration sportive. Dit-il que c’est lui qui a dit ces « choses » ? Que c’est lui qu’il faut créditer des miracles qu’il accomplit ? En aucune manière. Il est même très explicite à ce sujet puisqu’il déclare : « Je n’ai point parlé de moi-même ». Mais nul doute que si l’on avait pu mettre la main sur son cerveau, des « chercheurs » y auraient « cherché » l’explication de ses propos. Après avoir guéri un aveugle ou un paralytique le Christ demande à ses disciples de n’en rien dire, comme s’il avait eu peur qu’on le crédite, lui, de ses actes. Alors, d’où venait ce qu’il faisait et disait ? Il était très clair à ce sujet : de son Père. Déclaration qui met en évidence qu’il se considérait comme habité par un Autre, comme on dirait aujourd’hui, « Autre » qui n’est personne en particulier.
Lorsqu’on se considère habité par un Autre ou, pour le dire plus simplement, lorsqu’on se reconnaît soulevé par un souffle venant de l’extérieur de son Moi ou Ego, tout change. Parce que si l’on crédite le moi de celui qui excelle, les jalousies abondent. « Il se croit le plus fort, mais je vais montrer au monde que c’est moi ». Jalousies mais aussi déprimes : « Jamais je ne pourrai briller comme lui, comme elle, aux yeux des autres », déprimes que Facebook, souvent, multiplie.
Mais si l’on se rend compte que personne ne possède ce qui permet à tel ou telle de nous apporter la lumière d’un exploit comme Lara Gut, d’une théorie comme Einstein, d’une joie comme le Christ, impossible de tomber dans la jalousie ou la déprime. Et il y a un bonus car nous découvrons alors qu’il n’y a pas que les exploits qui nous apportent un peu de lumière. C’est le sourire d’une vendeuse, comme cela m’arrivait hier encore, la remarque bienveillante d’une vieille femme, comme cela m’est arrivé avant-hier, la beauté d’un visage qui m’est donnée gratuitement. La bonne nouvelle est que ces sourires, remarques et grâces ne nous apportent pas seulement de la lumière mais aussi de la joie.
Notes : Le passage des Evangiles cité ici est dans Jean 12 : 48. On trouve la même chose chez les Prophètes, sauf qu’ils disent l’Eternel au lieu de « mon Père ». Les chercheurs sur le cerveau seront peut-être choqués par la bêtise de ceux qui croient que le secret d’Einstein se trouve dans son cerveau, mais il suffit de cliquer « Einstein Cerveau » pour voir que cette croyance a été prise très au sérieux.
Jan Marejko, 16.2.2016
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