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De l’ingénieur et du Coran, lequel est le plus dangereux ?

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Un ingénieur américain compte bêtement les mots de trois livres fondamentaux des doctrines monothéistes et publie une étude sur la dangerosité et la violence comparées de ces livres. Jusque-là rien d'intéressant si ce n'est que l'étude en question est reprise en chœur par des journalistes du monde entier, non pour la commenter intelligemment mais pour en tirer des leçons d'un simplisme navrant dans la droite ligne de la bien-pensance crasse et du sacro-saint "pas d'amalgame".

Ledit gig de la comptabilité du Verbe a utilisé un logiciel pour comparer l'occurrence de certains mots dans deux des trois livres : La Bible, ancien et nouveau testaments confondus, et le Coran. Outre que la comparaison est imbécile car le Nouveau Testament change complètement de paradigme, le comparateur inculte ne se rend même pas compte de l'iniquité du procédé.

Imaginez une étude Google comptabilisant le nombre de recherches sur le rouge à lèvre pour décider  de la futilité des femmes par pays. On touche le fond de la culture "tweet": quelques signes, peu de phrases, pas de développement, mais un maximum de bêtise, le tout emballé dans un format facile à digérer et d'une apparente vérité. La malbouffe de l'esprit est bien née, son avenir est assuré.

En dehors de tout parti pris en faveur d'une ou l'autre religion, et dans le respect absolu des croyances et des spiritualités de chacun, force est d'admettre qu'il n'est pas possible de laisser passer un tel propos, et ce qu'il laisse entendre, sans réagir. Je vais tenter d'éclairer cette pseudo-étude d'un peu des faibles lumières qu'un journaliste même débutant devrait, selon moi, avoir en stock, en plus de son diplôme.

Le Nouveau Testament est un tournant philosophique formidable qui aboutira aux droits de l'Homme  alors que le Coran reste, comme l'Ancien Testament, un projet politique conquérant, barbare et cruel, qui occulte la responsabilité du pécheur dans son évaluation personnelle du bien et du mal. La Bible suit une progression de l'utile vers l'esprit alors que le Coran fait l'inverse, il abroge les versets de paix par les Versets du Sabre et s'achemine progressivement vers un projet islamique, juridique, sociétal, donc politique.

Jésus-Christ remet en question les principes éprouvés et va à l’encontre des dogmes et des clergés, de l’obéissance et de la servitude par la seule crainte de Dieu. Pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, la responsabilité de l'Homme devant Dieu et ses actes prédominent sur la méthode à suivre pour gagner le salut.

Dans le nouveau royaume proposé par le Christ, ce qui importe ce sont les valeurs de l’être, l’amour du prochain, le comportement envers autrui. Le Sermon sur la Montage est un acte fondateur que les philosophies de tous temps n'atteindront pas. "Que celui qui n'a jamais péché lui jette la première pierre - Aimez-vous les uns autres comme je vous ai aimé - Rendez à César ce qui est à César - Mon royaume n'est pas ici-bas – Ton corps est le Temple de Dieu - Heureux les faibles, les affamés, les pauvres car le Royaume des Cieux sera leur". Et le plus révolutionnaire : le sacrifice de soi pour tous les pécheurs, quasiment un fantasme de gauche!

La situation des hommes est infiniment plus complexe après Jésus-Christ. Le Prophète, mais surtout les Califes qui tenteront d'unifier un message à leur convenance, n'auront de cesse de simplifier cette complexité : La Peur reprend la place de Dieu et la Méthode (Coran et Hadits) apporte les solutions à toutes choses. Ainsi Wafa Sultan, femme musulmane, psychiatre et écrivain célèbre, peut-elle analyser avec finesse que le musulman ne se repent jamais de ses fautes. Pire, il serait exempt de morale personnelle car cette morale est l'aboutissement du combat intérieur entre les notions du bien et du mal, notions que l'Islam ne permet pas de faire siennes. Tout dans la vie du musulman est  responsabilité de Dieu ou causé par les Juifs ou les Chrétiens.

Nous ne parlons pas ici de ce que les hommes ont fait de ces textes mais bien de ce que ces textes proposent en eux-mêmes. D'un côté la métanoïa, de l'autre la paranoïa, mais comparés comme des éléments de même essence, donc analysés en usant de la même méthode; alors le résultat semble juste parce que arithmétique, et devient crédible, à force de publications; on croit rêver.

Il n'est pas possible d'unir ces deux livres dans une seule et même analyse. Il faudrait au contraire les comparer dans leurs chronologies propres. Dans la Bible, le but, atteint par le sacrifice d'un Sauveur, résonne comme l'aboutissement d'un apprentissage par le peuple. Au contraire, le Coran, ne considère personne comme libre de choisir son Dieu et sa foi et préconise clairement l'exécution de tous ceux qui en sortent. Cette Bible, lue comme un cheminement, aboutit à la Révélation : L'homme est seul maître de son destin vis-à-vis de Dieu. Elle permet donc l'athéisme, le doute, l'apostasie. D'un côté la Bible se révèle en un chemin de paix, de sacrifice personnel et de responsabilité bien que  perpétuellement corrompu, de l'autre le Coran commence par tenter ce chemin de paix mais se révèle au fil de sa chronologie et des Hadits qui l'explicitent, en un projet politique et un manuel de guerre, les versets suivants abrogeant les précédents. La Bible est un code moral, le Coran un code civil: d'un côté la Révélation, de l'autre la Soumission.

On chemine dans la première,  de la libération guerrière d'un peuple élu, vers une nouvelle difficulté: en plus de l'amour de Dieu il faut maintenant aimer ses ennemis ! A l'opposé, les textes du Coran décident qu'après avoir tenté la Paix et l'Amour, il faut maintenant soumettre par le discours, la stratégie et même le mensonge. Ils enseignent à punir par la torture et la mort ceux qui, forcément nés de l'Islam sans toutefois le savoir, le refusent. Dans cette étude comptable inepte il n'a même pas été imaginé de prendre en compte l'Hégire!

Martyres d'un côté contre kamikazes de l'autre, la mort est au rendez-vous dans les deux cas et les mots calculés sont bien présents dans les textes mais leur signification n'est en rien similaire. Libération des femmes d'une part contre asservissement de ces dernières dans l'autre, la Question contre la Réponse, le Coran se récite, la Bible s'écoute et sera très longtemps interdite de possession  car bien trop subversive. On pourrait énumérer à l'infini les différences sociales, morales et philosophiques que les deux messages messianiques ont engendrées. Les deux arbres ont progressé de concert, ont tous deux été taillés à la mesure des potentats qui s'en sont servis, mais ne produisent visiblement pas les mêmes fruits.

L'ingénieur en comptage lexical a donc comparé la carpe et le dauphin sans même imaginer que le Dauphin était un successeur révolutionnaire qui créera la culture judéo-chrétienne, avec son cortège d'horreurs et de massacres pour cause d'humanité. Tous les Livres ont leurs cortèges de massacres tristement humains, mais la Bible permettra à l'homme de s'autodéterminer librement car elle porte en elle des gènes bien différents; cela a fini par s'appeler les Droits de l'Homme. Le Coran, livre politique et méthodique au service des Croyants, censé résoudre le quotidien de ses fidèles pour la nuit des temps, ne permettra jamais l'affranchissement des hommes dans une modernité humaniste, hors de son projet initial.

L'ingénieur quand à lui est peut-être aussi perspicace que Google en analyse syntaxique mais il est surtout bien plus dangereux pour nos libertés que les livres qu'il compare...

Christian Addy, 13 mars 2016

 

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