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Être humain, pleinement, d’Axel Kahn

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Qu'est-ce qu'Être humain, pleinement? Vaste question, à laquelle Axel Kahn tente de répondre dans cet essai à partir d'un apologue plausible, qui sert de fil conducteur au livre pour transmettre les réflexions auxquelles sa vie d'homme, de généticien, puis de chemineau, l'ont conduit.

 

L'auteur imagine en effet une famille composée d'un père, d'une mère, de deux jumelles, qui vivent dans la partie indonésienne de Bornéo et sont de religion musulmane. Le père, Ahmad, est médecin. La mère, Purwanti, est une jeune infirmière. Ils ont ensemble deux filles, deux vraies jumelles, Dewi et Eka.

 

Le malheur s'abat sur eux sous la forme d'un incendie qui ravage leur maison alors que leurs deux jumelles n'ont que quelques mois. Ahmad retourne dans le brasier et sauve d'abord Dewi, puis Eka. Mais, pour sauver celle-ci, il est obligé de sortir de la maison par derrière, où il est retrouvé mort, seul, bien plus tard.

 

On pense qu'Eka est morte dans l'incendie, alors qu'elle a été emportée par une femelle orang-outan, qui venait de perdre un petit. Le destin des deux jumelles va complètement diverger alors qu'elles sont pourtant les deux individus d'un clone unique. Elles n'ont pas en effet bénéficié du même environnement.

 

Dewi va devenir une grande scientifique et recevoir à quelque quarante ans le prix Nobel de physiologie et de médecine. Eka va être retrouvée nue, à environ dix ans, en bordure de la grande forêt d'un parc de Bornéo, et mourir jeune: son quotient intellectuel ne dépassera jamais celui d'un enfant de trois à quatre ans.

 

A partir de cet apologue l'auteur se pose la question: de quoi a-t-on besoin, au juste, pour être humain, pleinement? Et pour y répondre, il examine comment un être humain se bâtit, comment il s'épanouit, comment il donne un sens à sa vie, à travers ses projets, ses ambitions et sa conception du bonheur.

 

Pour se bâtir, il faut être en contact avec les autres: Dewi, comme tout être humain, n'a pu en arriver à exprimer toutes ses potentialités que grâce à des échanges permanents avec des semblables, mère, famille, maître, amis, la société en général. La dépendance vis-à-vis d'autrui pour devenir soi est absolue.

 

Pour s'épanouir l'être humain suit de multiples voies: l'amitié, l'amour, la maternité, être parent, la spiritualité, la religion, la pensée, le travail, la beauté: Le sentiment de beauté possède nécessairement des fondements universels et d'autres qui dépendent des cultures, des modes et des itinéraires individuels.

 

Pour donner un sens à sa vie, l'auteur, agnostique, sait qu'il ne peut se passer de l'autre, comme tout être humain: L'autre est, comme pour l'édification de soi, la seule référence solide pour parvenir à apporter une réponse rationnelle à la question du sens à donner soi-même à une existence qui en est dépourvue.

 

Sans doute est-ce pourquoi Axel Kahn écrit, fasciné par le proverbe gitan affirmant que toute richesse qui n'est ni donnée ni partagée est perdue:

 

Pour moi, écrire est devenu un besoin ardent, une pièce centrale de mes projets qui participe [...] à cet enrichissement personnel dont la justification est la disponibilité des richesses ainsi accumulées pour quiconque désire s'en saisir.

 

Le lecteur désireux de se saisir de ces richesses, qui sont autant de biens de l'esprit, plongera volontiers dans ce livre dense, écrit par un être pleinement humain, et en fera son miel, c'est-à-dire en tirera une quintessence toute personnelle.

 

Francis Richard

 

Être humain, pleinement, Axel Kahn, 252 pages, Stock

 

Livres précédents chez le même éditeur:

Pensées en chemin (2014)

Entre deux mers - Voyage au bout de soi (2015)

 

Publication commune lesobservateurs.ch et Le blog de Francis Richard

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