Oui, l’immigration peut être une chance
En matière d’immigration, Charles Aznavour en connaît un bout, lui dont toute la vie a été placée sous la double appartenance à l’Arménie et à la France. Peut-on dire cependant qu’Aznavour est plus français qu’arménien ou le contraire ? En France, nous aurions tendance à penser qu’il est plus français. Et pourtant en Arménie, la ferveur autour de sa personne pourrait faire penser le contraire. Il semble bien qu’il soit complètement l’un et l’autre. Comment en est-il arrivé là ?
Né en France par hasard, alors que sa famille, en route pour émigrer aux USA était en escale à Paris, les circonstances ont poussé ses parents à rester sur le sol français. Ainsi, ayant vécu toute sa vie en France, Charles est donc devenu tout naturellement français, et peut-être même plus que nombre de Français ayant des ancêtres depuis plusieurs générations. Il le dit lui-même en février 2013 : « Je suis devenu français d’abord dans ma tête, dans mon cœur, dans ma manière d’être, dans ma langue. »
Pourtant ses parents arméniens lui ont inculqué sa culture familiale à un tel point qu’il avoue le douloureux cheminement de sa démarche : « j’ai abandonné une grande partie de mon arménité pour être français ». Pour lui, cet abandon est indispensable pour pouvoir s’assimiler complètement au pays d’accueil. Le choix est très simple : « Il faut le faire ou il faut partir. »
Si Aznavour, comme nombre de ses collègues du monde du spectacle, est un partisan de l’immigration, il se distancie néanmoins de la plupart d’entre eux par une position claire « contre la régularisation massive des immigrés » (voir Raoul Bellaïche, éditions Archipel). Il soutient une immigration responsable, et souhaite que les immigrés ne viennent que « s’ils sont prêts à épouser le mode de vie français sans chercher à imposer le leur. » Aznavour n’a que des paroles de bon sens. Immigration sans assimilation n’est que ruine du pays.
Il a donc abandonné une partie de sa culture familiale et il est resté en France. Il a choisi la voie de l’effort, du sacrifice, du renoncement à une partie de son héritage familial pour accéder pleinement à la grande famille de son nouveau pays. On voit cela dans sa chanson de 1987, Les émigrants qui décrit bien ce cheminement difficile à force de défricher, de trimer, de sueur, mais aussi de bonheur.
Charles Aznavour n’a pas choisi la France pour ses allocations, ses subventions, ses aides diverses. Il a choisi un pays qui lui a donné sa chance et il l’a saisie. Il est parvenu à se fondre dans son pays d’accueil, sans par ailleurs renier son pays d’origine. Et jamais, il n’a opposé l’un à l’autre.
Au contraire, c’est une magnifique osmose qu’il a réussi à créer entre ces deux pays et ces deux cultures. A Hollywood en août 2017, lors de la cérémonie de l’installation de l’étoile portant son nom sur la Walk of fame (Promenade de la célébrité) il a déclaré : « Je suis Français et Arménien, les deux sont inséparables comme le lait et le café, c'est fantastique d'avoir deux cultures… Le français est ma langue de travail mais ma langue familiale est toujours l'arménien».
Aujourd’hui, en Arménie, par Charles Aznavour, la France est reconnue et appréciée. En Arménie, la langue française occupe une place importante et toute une jeunesse tient en haute estime la chanson française grâce à son phare étincelant qu’est Charles Aznavour.
Nous savons tous l’amour qu’il a pour sa terre natale, amour qui ne s’est jamais démenti tout au long de sa vie. Avec son association « Aznavour pour l’Arménie » (APA), il a grandement aidé son pays dans les moments difficiles comme le tremblement de terre en 1988. L’Arménie lui a marqué sa reconnaissance en nommant une place de la capitale Erevan, Charles Aznavour Square.
Et pourtant, pourtant, Aznavour est si français, lui qui maîtrise notre culture si profondément, qui sent et ressent cette France jusqu’au tréfonds de son âme, qui a été son ambassadeur culturel pendant des décennies et qui continue à aimer et à chanter de toutes les fibres de son être le pays qui l’a accueilli.
Aznavour a voulu intégrer son pays d’accueil, s’assimiler, devenir français. Animé d’un tel élan, il s’est propulsé jusqu’au centre du noyau dur de la francité où il a produit ses chefs-d’œuvre musicaux qui sont autant d’odes chantées à la France de toujours.
Merci M. Aznavour de votre talent mis au service de votre amour de la France. Merci pour l’exemple que vous donnez aux jeunes immigrants d’aujourd’hui, pour la route que vous leur montrez, pour la voie que vous avez tracée d’une assimilation réussie au plus haut niveau. Nous avons aujourd’hui tant besoin de modèles comme vous !
Bertrand Hourcade, 30.8.2017
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